Sexualité des ados

Interview - Dominique Versini, Défenseur des enfants, met en garde contre les risques encourus par les adolescents qui se trouvent "en permanence" confrontés à des images porno via Internet et leur téléphone.
"La vente de son corps ne doit pas être une façon de pouvoir survivre ou payer ses études dans la France d'aujourd'hui", insiste-t-elle.


LCI.fr : De plus en plus de cas d'adolescentes qui se prostituent pour quelques euros, ou de vidéos de relations sexuelles violentes entre jeunes remontent dans l'actualité. Peut-on parler de phénomène ?
Dominique Versini, Défenseure des enfants : Non, il n'y a pas de phénomène de prostitution infantile. C'est quelque chose qui reste très minoritaire. Par contre, on peut dire qu'il y a une invasion de la pornographie chez les jeunes quel que soit leur milieu social. Un sondage a montré qu'à 14 ans, 36% des filles avaient déjà vu des films pornographiques ! Il y a les films porno qui traînent chez les parents mais il y a aussi Internet, qui se révèle être un vecteur assez exceptionnel. Il est très facile de télécharger des films à caractère pornographique. Il n'y a d'ailleurs même pas besoin de chercher, car beaucoup de sollicitations arrivent directement par mail, que ce soit pour le porno, le viagra etc... Cette intervention permanente de l'image chez les jeunes est quelque chose de très nouveau.

LCI.fr : Qu'est-ce qui motive ces jeunes filles à vendre leur corps ou leur image ?
D.V. : Il faut distinguer plusieurs cas de figure. Pour les mineures, d'abord, c'est souvent pour avoir des vêtements ou des objets qu'elles ne peuvent pas avoir par elles-mêmes ou par le biais de leurs parents. Il y a un concours pour posséder telle marque, suivre telle mode, etc...
Pour les jeunes majeurs, en revanche, le travail des associations a montré que c'était clairement pour se payer leurs études. Pour eux aussi, il faut mettre des choses en place : des logements, des bourses etc. La vente de son corps ne doit pas être une façon de survivre ou payer ses études dans la France d'aujourd'hui.

LCI.fr : Quels sont les risques encourus par ces jeunes qui sont confrontés de manière précoce à des images pornographiques ?
D.V. : Un enfant ou préadolescent n'est pas prêt à recevoir ce genre d'images, souvent violentes, qui véhiculent une sexualité préfabriquée, et où il n'y a aucun message d'amour. Cela a forcément des conséquences sur leurs comportements puisque les jeunes s'identifient avant tout à ce qu'ils voient, notamment ceux qui sont les moins entourés ou les plus fragiles. Sur ces images, les filles sont souvent maltraitées, leur corps est considéré comme un objet. Cela peut laisser penser à certaines filles qui voient ces images qu'elles n'ont pas la liberté de dire non quand elles ne veulent pas avoir de relations sexuelles avec un ou plusieurs garçons. Il faut apprendre aux jeunes à dire non, que leur corps n'est pas un objet et, surtout, que ça ne se vend pas.
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LCI.fr : Comment prévenir ces comportements ?
D.V. : Tout d'abord, les parents doivent être vigilants et responsables. Ça commence par ne pas laisser traîner ses cassettes vidéo porno n'importe où ! Ensuite, on doit mettre des logiciels de contrôle parental sur les ordinateurs car Internet, ça peut être le meilleur comme le pire.
Enfin, il faut informer les jeunes, notamment sur la question des blogs. Sur ces blogs, ils ont l'impression d'être seuls au monde, alors que le monde entier peut y rentrer. On a des cas où des jeunes mettent des photos d'eux dévêtus ou des films de leur relation sexuelle. Après ça tourne sur Internet et les portables. Cela veut dire que dans 20 ans, leur conjoint ou leur patron pourront y avoir accès. Il faut qu'ils comprennent qu'une bêtise d'adolescent risque de les poursuivre toute leur vie. Pour les sensibiliser, il faut organiser des débats dans les écoles, faire venir des spécialistes de l'enfance pour qu'il y ait une prise de conscience des jeunes sur leur corps.

LCI.fr : Soutenez-vous l'initiative de la secrétaire d'Etat à la famille, Nadine Morano, qui a demandé aux fournisseurs d'accès à Internet de prévoir le blocage systématique des sites pédophiles ?
D.V. : Je suis tout à fait d'accord. Il y a une responsabilisation à imposer à tout ceux qui diffusent sur des sites des images qui peuvent êtres violentes ou pornographiques. Il faut être très répressif à l'égard des sites internet qui ne protègent pas suffisamment notre jeunesse. Mais ce combat doit être mené au plan européen et international car la pornographie est un marché mondial.