Instaurer un "bonus-malus malbouffe" ne se traduira pas forcément par un changement d'attitude chez tous les consommateurs, selon Fabrice Etilé, chercheur à l'Inra.
La mesure fait partie de 25 propositions pour prévenir l'obésité présentées ce mardi à l'Assemblée.
La mission parlementaire d'information sur la prévention de l'obésité, présidée par la députée UMP Valérie Boyer, présente mardi un rapport en 8 axes et 25 propositions. Au cœur du dispositif : faire passer la TVA de 5,5% à 19,6% pour les produits de grignotage et la faire baisser de 5,5% à 2% pour les fruits et légumes. Réaction de Fabrice Etilé, économiste de la santé et de la consommation à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra).
LCI.fr : Que pensez-vous de l'idée d'augmenter ou d'abaisser la TVA des aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle ?
Fabrice Etilé : Cela pourrait être une bonne idée. On sait que l'épidémie d'obésité dans la population française est en partie liée à la baisse du prix des aliments gras et sucrés par rapport aux prix des fruits et légumes. Pour autant, il n'est pas évident que la modulation de la TVA atteigne l'objectif souhaité. On sait que le consommateur ajuste ses choix en fonction des variations du prix des aliments mais on ne sait pas comment les producteurs et les distributeurs agissent, eux. Si on augmente la TVA pour une barre chocolatée, le producteur peut décider de diminuer légèrement sa marge afin de maintenir un prix de vente stable et conserver sa clientèle.
Il y a certains produits pour lesquels on pense que la baisse du prix entraîne une hausse de la consommation - c'est le cas pour les fruits et légumes. Mais on n'est pas sûr qu'une hausse du prix des snacks se traduise par une baisse de la consommation, notamment chez les populations défavorisées qui sont de grandes consommatrices de ce type d'aliments et les plus concernées par l'obésité.
LCI.fr : C'est la même chose avec l'augmentation du prix de la cigarette qui ne dissuade pas les fumeurs réguliers de ne plus en acheter alors qu'ils sont les premiers visés par la mesure...
F. E. : Exactement. Au sein des familles défavorisées, la consommation de snacks et de confiseries est souvent un moyen d'offrir aux enfants quelque chose de plus que ce qu'offre la vie ordinaire.
LCI.fr : Pour lutter contre l'obésité, faut-il s'associer aux industriels ou s'attaquer à leur portefeuille ?
F. E. : Le risque, si on s'en prend à leur portefeuille, c'est que pour compenser, ils modifient les recettes de leurs produits avec des matières premières de moins bonne qualité. Il vaut mieux arriver à les faire coopérer, notamment via des chartes de qualité.
LCI.fr : Certains industriels associent leurs produits à l'image de grands athlètes ou de formations sportives. Est-ce une bonne chose ?
F. E. : Il y a là une ambiguïté. Si on prend une barre chocolatée après un effort physique, cela ne pose pas tellement de problème. Ce qui est gênant, c'est l'impact de ce type de message sur le petit segment de la population qui consomme beaucoup d'aliments gras et sucrés. C'est au sein de cette population que l'on observe le plus d'obésité sévère ou morbide.
LCI.fr : Parmi les 25 propositions avancées par la mission parlementaires, y en a-t-il qui ont fait leurs preuves ?
F. E. : L'une des propositions intéressantes qui est assez peu coûteuse, c'est l'interdiction totale de la publicité pour les aliments gras et sucrés au moment des émissions enfantines. Quant aux distributeurs de fruits et légumes installés dans les écoles, on s'est rendu compte qu'ils contribuaient à augmenter la consommation de fruits et légumes.
LCI.fr : Et que manque-t-il dans cet arsenal de propositions ?
F. E. : Ce qui manque souvent, ce sont les mesures d'éducation nutritionnelle en milieu scolaire. D'une part, elles permettent de transmettre certains savoirs aux enfants et par ailleurs, les enfants peuvent transmettre ce savoir à leurs parents. Or, si la demande de fruits et légumes vient des enfants, c'est plus facile pour les parents d'y répondre. Le problème, c'est de trouver des financements à ce dispositif éducatif.
LCI.fr : La culture de la table continue-t-elle de limiter l'épidémie d'obésité en France ?
F. E. : Une calorie qui vient du foie gras, c'est la même chose qu'une calorie qui vient d'une boisson sucrée américaine. Une partie de l'augmentation des cas de surpoids est liée à cette alimentation traditionnelle. Ce qui nous préserve un peu, ce sont nos rythmes alimentaires - les trois repas quotidien pris à table.
source: Lci.fr